Crise de la dette : le plan B est dans l’oBjection de croissance
Publier le 11 octobre 2011 sur http://www.partipourladecroissance.net/?p=6444#more-6444
Depuis quelques années, nous vivons au rythme des « crises de la dette ». Récemment, La Grèce a fait vaciller la zone € tandis que la situation des finances publiques espagnoles, italiennes ou irlandaises sont précaires aux yeux des économistes les plus éclairés. Même les Etats-Unis ont dû relever leur seuil d’endettement sous peine de se retrouver en faillite, à l’issue d’un scénario digne des plus grands films hollywoodiens. L’obligation de sauver le modèle économique moins triomphant qu’auparavant a permis d’éviter une panique généralisée et de préserver l’ordre des choses, avec son oligarchie.
La pression médiatique est forte également pour nous inciter à accepter les explications des risques de cette situation et nous imposer des solutions austères mais présentées comme nécessaires. Politiques de gauche et de droite, économistes, chroniqueurs médiatiques nous rabâchent qu’il n’y a pas de plan B. Il faut appliquer toujours plus de plans d’austérité et prier pour retrouver une forte croissance et ainsi espérer sortir du marasme, surtout, pour préserver le système économique et financier actuel, nouvelle religion des temps modernes.
Et pour ce faire, les plans d’austérité apparaissent comme la voie privilégiée pour espérer le retour, certes voulu via l’incantation de nos dirigeants, d’une forte croissance. Pendant ce temps, les risques d’explosions sociales s’accroissent et sont même palpables.
Prenons le temps de réfléchir pour comprendre que :
1) Ce modèle économique est toxico-dépendant de la croissance.
2) Une croissance infinie dans un monde fini est impossible.
3) Des crises prévisibles et annoncées, signes de la fin d’un modèle.
4) Les mêmes causes produisant les mêmes effets, la deuxième phase de cette crise nous guette.
5) Un plan B est possible avec la Décroissance comme nouveau paradigme.
1) Un modèle économique toxico-dépendant de la croissance .
Notre modèle économique se développe grâce aux endettements privés et publics. Il est toxico-dépendant de la croissance économique. En effet, lorsqu’une banque, centrale ou privée, prête de l’argent, elle le fait avec l’espérance que cet investissement sera fructueux et que cet argent sera remboursé, qui plus est, avec des intérêts. Et on recommence, on prête de nouveau, de plus en plus et en prenant toujours davantage de risques.
Durant ces dernières décennies, nous avons assisté à la financiarisation de l’économie, c’est-à-dire un décrochage entre l’économie réelle (les biens réels qui sont échangés) et les échanges financiers (bourses, produits financiers). Nous avons ainsi observé l’émergence de bulles financières comme celles des subprimes mais aussi l’explosion à la fois des endettements privés (crédits à la consommation, immobiliers) et publics tout en accroissant les inégalités et en permettant l’émergence et le maintien d’une oligarchie toujours plus puissante.
Cette fuite en avant, facilitée par l’absence de contrôle et de garde-fou, mais aussi par le statut privé ou indépendant des banques centrales, a repoussé l’effondrement du système.
Ainsi avec les subprimes et les crédits à la consommation au début des années 2000, on a pu relancer de manière artificielle la consommation, donc la croissance. Les conditions pour continuer à vivre, comme si nous nous trouvions dans un espace où une croissance infinie était possible, ont été maintenues.
Malheureusement, notre planète n’offre ni des ressources illimités, ni un espace que l’on peut sacrifier indéfiniment.
2) Une croissance infinie dans un monde fini est impossible.
En effet, cela paraît une évidence, sauf peut-être pour les économistes orthodoxes. Les limites de la croissance, l’insoutenabilité de ce modèle économique croissanciste ont été démontrées dès la fin des années 60 et dans les années 70 notamment avec les travaux de l’économiste Nicholas Georgescu-Roegen ou ceux du club de Rome. De même, c’est à cette période que les premières études sur la finitude du pétrole ont abouti à l’émergence de la théorie du pic de production.
Cette théorie du pic de pétrole se confirme. Surtout, elle peut être étendue à toutes ressources finies (énergies fossiles, minerais, métaux …).
Au début de l’exploitation des gisements pétrolifères, les industriels se sont concentrés sur des champs de pétrole liquide, concentré en énergie, facilement exploitables et très rentables : il suffisait de faire un trou, de raccorder à des tuyaux pour commencer l’extraction, piller la terre mais engranger des bénéfices. Quand la source de bénéfice se tarit, il faut en trouver une autre et recommencer pour nourrir la mégamachine. Une fois ces gisements sur-exploités, l’extraction de l’or noir devient plus difficile et il faut s’atteler à l’exploitation de gisements qui sont moins rentables en terme énergétique, avec un pétrole abondant mais plus difficilement exploitable (il faut utiliser toujours plus d’énergie pour sortir toujours moins de pétrole). L’épisode des huiles et gaz de schiste n’en est qu’un exemple parmi tant d’autres (la guerre en Lybie aussi d’ailleurs).
Or, depuis les années 70, nous n’avons plus fait de grandes découvertes de puits pétrolifères. Et, le pic de production dans de nombreux pays a été atteint. Le pic mondial, quant à lui, aurait ou est en voie d’être atteint : c’est-à-dire que le maximum de production plafonne avant de décliner inexorablement.
Notre modèle économique est fondé sur la croissance, elle-même dépendante de la consommation, donc de la production. Pour produire, il faut des ressources, notamment de l’énergie, donc du pétrole. Et quand on atteint les limites de production, les prix explosent, souvent aidés par la spéculation.
3) Des crises prévisibles et annoncées, signes de la fin d’un modèle .
En juillet 2008, le prix du baril de pétrole dépassait les 140$ alors qu’il avoisinait encore 20-30$ au début des années 2000.
Les peakistes, qui étudient le pic de pétrole et ses conséquences pensent que nous sommes passés très près du pic de production en 2006, d’où l’augmentation du prix du baril avec ses effets sur l’économie. Cela a entraîné une récession et l’explosion de bulles spéculatives, devenues par ailleurs insoutenables, c’était la crise des subprimes.
Ce repli économique s’est manifesté par une baisse de la consommation, une baisse de la demande de pétrole et donc de sa production.
Le système a été sauvé à coup de centaines de milliards de dollars injectés dans les banques afin de retrouver la sacro-sainte croissance, pourtant responsable du pic de production !
Ainsi, avec le pic mondial de production (et quel que soit la production considérée), nous devons nous préparer à des phases de récessions, avec un soutien massif aux marchés financiers, suivies de timides relances économiques en espérant un hypothétique retour à une forte croissance, toujours seule capable de nous emmener vers un avenir radieux. Dans ce cadre, ces plans de relance risquent de provoquer une augmentation des besoins et du prix des matières premières, engendrant – une nouvelle fois – des récessions toujours plus dévastatrices en forme de tôle ondulée. Nous voyons bien que le système épuisé s’imposera des « pauses » (qu’il subit) au prix social et humain catastrophique pour rebondir toujours moins haut.
4) Les mêmes causes produisant les mêmes effets, la deuxième phase de cette crise nous guette.
Depuis le début de l’année, à nouveau, le prix du pétrole commence à monter pour atteindre 120$. Il en est de même pour un grand nombre de matières premières comme le cuivre.
Cette fois, ce sont les endettements publics qui sont touchés : la Grèce, puis l’Espagne, le Portugal, et l’Italie. En fait, c’est toute la zone Euro qui est menacée. Cet été, les États-Unis, première puissance économique mondiale, ont failli se retrouver en rupture de paiement. Un accord a finalement été trouvé pour repousser le plafond d’endettement sous condition. Ce n’est que reculer pour espérer mieux sauter.
L’automne s’annonce instable avec les plans d’austérité comme réalité et la croyance au retour de la croissance comme horizon.
Les plans d’austérité entraînent une dégradation et une instabilité sociale forte car ils touchent les plus défavorisés. L’objectif de l’austérité est de retrouver la croissance économique qui, une fois de retour, provoquera une crise encore plus dévastatrice. Le capitalisme tourne en rond en laissant à ses marges de plus en plus de population s’appauvrir.
5) Un plan B : que préconisent les objecteurs de croissance.
On nous répète, comme avec la dette du tiers-monde, utilisée comme outil d’ingérence économique permettant d’imposer privatisations, plans économiques au profit des puissances du nord, qu’il n’y a pas de plan B : il faut toujours plus d’austérité. Il faut que l’on se serre la ceinture. Refuser serait irresponsable… Toutes oppositions et résistances, que ce soient en Grèce, en Espagne ou en France par exemple, sont ainsi balayées.
En effet que faire ? Depuis plusieurs années, les objecteurs de croissance évoquent cet effondrement économique et anticipent sa sortie. Sans parler des crises sociales et politiques qu’il engendre et sans oublier la crise environnementale. Nous sommes donc bien dans une crise anthropologique en atteignant les limites physiques mais aussi culturelles et humaines d’un système en quête de croissance pour la croissance, et de toujours plus de consommation pour espérer sauver le sacro-saint capitalisme.
Oui, il y a un plan B : la Décroissance : nous proposons une réappropriation de la politique, donc de l’économie afin de promouvoir un projet de transition :
Courage politique : l’oligarchie ça suffit, vive la démocratie : suspension des dettes illégitimes et report du remboursement des dettes publiques, qui de toutes manières ne seront jamais remboursées, et forte taxation des plus riches.
L’urgence première est la réappropriation démocratique et politique de la création monétaire et des banques centrales. Il faut sortir de la religion de l’économie et de l’argent, il faut remettre le nouveau clergé, les banques, les agences de notation, à leur place. L’économie, l’argent sont des outils qui doivent servir à mener des projets politiques et non le contraire. Il faut ainsi remettre en question le remboursement de ces dettes, le repousser voir le refuser, sous condition.
Nous sommes aujourd’hui à un tournant historique de notre histoire, plus que jamais nous avons besoin d’une réappropriation de la politique et de nos choix de vie afin d’initier une transition vers de nouveaux modèles économiques.
Cela demande du courage politique, mais aussi plus de participations. Défendre l’ordre établi, refuser de penser à un plan B, c’est protéger ce système inégalitaire. C’est donc protéger les gagnants de ce système : l’oligarchie !
Les économistes néo-libéraux nous expliquent que l’économie, l’argent, est un jeu. Il faut investir, prendre des risques. Des fois on gagne, des fois on perd. Jusqu’à présent seuls les plus pauvres, les plus démunis, au Sud mais aussi au Nord perdent. L’oligarchie s’en sort toujours comme après la crise de 2008 et le renflouement des banques à coût de milliers de milliards de dollars.
Cette fois, l’oligarchie financière a beaucoup joué, elle a tout misé sur le rêve d’une croissance infinie… et elle a perdu mais sans l’avouer !
Nous proposons donc :
De ne pas rembourser la part de la dette qui est illégitime.
De stopper la création monétaire privée et la rendre publique en conférant ce pouvoir aux banques publiques (nationales et locales) et de promouvoir la mise en place de monnaies alternatives fondantes associées à des projets de transition comme la relocalisation de l’économie, par exemple.
D’instaurer un revenu maximal autorisé, plafond au delà duquel l’état prélève l’excédent en tant qu’impôts.
De mettre en place une Dotation Inconditionnelle d’Autonomie (DIA), outil politique, économique et social de transition et d’émancipation capable d’initier une repolitisation de la société. Cette dotation pourra être d’abord versée sous forme de revenu d’existence, puis ensuite déclinée sous forme de droit d’accès (santé, éducation), de tirage (eau, énergie) et de monnaies alternatives fondantes (produits de première nécessité locaux et bio, services).
Remarque : Les Objecteurs et Objectrices de Croissance se rapprochent des propositions keynésiennes, notamment d’un point de vue d’un rôle plus fort joué par les institutions publiques à travers la réappropriation de la création monétaire, mais avec d’autres objectifs : non pas relancer l’économie en espérant retrouver la sacro-sainte Croissance économique, mais au contraire construire de nouveau modèles économiques à la fois soutenables (décroissance de l’empreinte écologique mais croissance de la résilience, des productions locales soutenables) et aussi souhaitables (décroissance des inégalités et croissance de la culture, de la solidarité et de la convivialité).
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